5 août 2007 (!)
Critique d'un film.
"Persépolis", Marjane Satrapi 2007
1978, Téhéran… Le film tourne autour de Marjane, huit ans, fille unique d’un couple moderne, et cultivé, adorée de sa grand-mère ancienne militante du MLF, et fan inconditionnelle de Bruce Lee et des punks. L’Iran vit alors à l’heure de l’Amérique, comme le souhaite le Shah, qui a fait de son pays une puissance régionale supra-moderne, à l'ombre des Etats-Unis. Seulement, l’agitation gronde. Certes, le pays cumule les libertés; par exemple, alors que l’Italie obtient à peine le droit de divorce, en Iran, il existe depuis des années. Cependant, il manque deux libertés essentielles : la liberté d’idées et la liberté d’expression, bases d’une démocratie chimérique à peine dissimulée. Les communistes, les libéraux, ou ne serait-ce que les démocrates sont prisonniers politiques. Peu à peu, la révolte gronde. Le Shah est détrôné. Il se réfugie auprès de Nasser en Egypte, où il décédera des suites d’un cancer.
L’Iran vit alors quelques mois de l’allégresse la plus intense. Tous rêvent d'une vraie démocratie à l’Européenne, ou plutôt à la Soviétique, étant donné le fort pourcentage de communistes du pays. Le Parti Islamiste, soutenu par les Etats-Unis, soucieux de leur politique de containment, remporte finalement les élections avec 99,9% des suffrages. Cette fois-ci, les opposants politiques sont condamnés à mort. Le pays est désormais soumis à la loi coranique et la police des mœurs contrôle les tenues et les attitudes de chacun. Bientôt, l’Irak de Saddam Hussein attaque : maintenant que le pays est fragilisé par cette transition démocratique qui n’en est pas une, il espère faire de l’Irak la puissance régionale qu’il souhaitait. Entre interdits et bombardements quotidiens, la vie iranienne devient impossible. Marjane, adolescente, part en Autriche, où elle se sent n’être qu’une étrangère, et où on la perçoit forcément comme une fanatique. Mais quand elle revient, alors que la guerre s’achève enfin, elle est devenue une étrangère parmi les siens. Il lui faut réapprendre à vivre dans ce monde où les jeunes essayent de vivre normalement de façon clandestine, dans des soirées organisées dans des caves, où les femmes se débarrassent de leurs voiles, et les hommes distillent du mauvais vin.
Persepolis est un film brillant. Brillant, dans sa subtilité, dans son intelligence et son analyse, mais aussi dans son humour. Entre la petite Marjane révolutionnaire, la grand-mère féministe, à la langue acérée et délicieusement cynique, le portrait acide des pseudos anarchistes viennois, et la description détonante des incohérences des Islamistes, Satrapi contre-balance le côté sombre de son film, incarné surtout par l’oncle communiste, enfermé sous le Shah, assassiné sous les Islamistes, qui eut juste le temps de rêver quelques mois et de transmettre ses valeurs humanistes et si belles à sa nièce. Un paradoxe qu’on retrouve jusque dans l’animation, toute en noir et blanc. Un paradoxe comme celui de la vie iranienne, où les femmes, toujours plus couvertes à l’extérieur, sont toujours plus libres dans les réunions clandestines.
Un film majeur et essentiel, permettant entre autres de comprendre l’actualité et l’Histoire contemporaine.
Victoria Orsini-Martin
Liens - Site Officiel : ici ; l'article Wikipedia consacré au film : ici ; une critique sur critikat.com : ici
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